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Construire l’égalité par le multilatéralisme

20 avril 2022

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Construire l’égalité par le multilatéralisme

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Article pris sur le site soroptimistinternational.org

Un blog d’Evelyne PARA, Représentante UN SI à l’UNESCO

Début 2022, l’UNESCO a inauguré la 1ère Journée internationale des femmes dans le multilatéralisme. Le principe de la création de cette Journée internationale avait été approuvé par une large majorité des États membres lors de la 41e session de la Conférence générale de l’UNESCO en novembre 2021. Lors de la session plénière de cette Conférence générale, le Soroptimist International s’est félicité de cette décision. Désormais, cette Journée sera célébrée chaque année, le 25 janvier.

Son objectif est de garder vivante la mémoire des interventions cruciales des femmes qui ont contribué à la création des Nations Unies. Mettre en lumière le rôle des femmes leaders contemporaines, et surtout encourager la participation des femmes à des postes clés au sein de l’ONU et de ses agences, dans les représentations diplomatiques de leurs pays et dans les institutions multilatérales, afin de faire progresser l’égalité des sexes, la paix et les droits humains. Ainsi, nous continuerons à plaider pour un accès équitable à l’éducation, à la santé et à la participation à la prise de décision à tous les niveaux.

Hommage aux femmes leaders 

Les femmes ont élargi leur rôle dans la gouvernance mondiale depuis la rédaction et la signature de la Charte des Nations Unies en 1945.  Afin de transmettre les valeurs chères aux Soroptimistes du monde entier, il est important de rappeler les moments fondamentaux de notre histoire, en payant hommage à plusieurs femmes remarquables sans qui cette Charte révolutionnaire n’aurait pas été aussi inclusive que nous la connaissons.

Dans une vidéo , l’ ONU met en lumière un groupe de premières dirigeantes qui ont joué un rôle clé, autour d’Eleanor Roosevelt , dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Dès 1946, elles obtinrent l’inclusion du principe de l’égalité des sexes dans le texte de la Déclaration et prônèrent « un salaire égal pour un travail égal » .

Aujourd’hui, nous connaissons plusieurs femmes leaders dans le domaine de la politique mondiale, de l’économie et des droits de l’homme. Cependant, les femmes sont encore largement sous-représentées, en particulier dans de nombreuses sphères de prise de décision. Les femmes ne représentent que 23 % des délégués dans les processus de maintien de la paix dirigés ou codirigés par l’ONU. Seuls 28 % des accords de paix incluaient des dispositions relatives au genre en 2020 (contre 37 % en 2015). De telles statistiques sont inquiétantes, d’autant plus qu’il a été démontré que les accords de paix sont plus efficaces et plus durables lorsque les femmes sont impliquées dans les négociations, et lorsque les questions d’égalité des sexes y sont intégrées.

Un nécessaire renforcement du multilatéralisme 

Le multilatéralisme est né de la mise en place d’un Pacte social entre États afin de remplacer l’anarchie et les rapports de force par un ordre théoriquement régi par le Droit (les droits et obligations des États). C’est un pacte qui se nourrit de dialogue, de résilience et d’espoir.

Les États ont utilisé ce mode d’organisation des relations interétatiques pour construire en commun des institutions capables d’instaurer un ordre propice à des relations apaisées. Ainsi, la Charte des Nations Unies annonce dans son Préambule que les générations futures doivent être épargnées du fléau de la guerre. En fait, il s’agissait avant tout de combiner multilatéralisme politique et multilatéralisme économique dans un réseau institutionnel complexe afin de diffuser des valeurs démocratiques et libérales considérées comme universelles. Il s’agissait aussi de faciliter la négociation politique, partant du principe que l’échange d’informations, la multiplication des occasions de rencontres formelles ou informelles entre gouvernements, la concertation et la recherche de solutions négociées collectivement permettraient de régler les différends de manière pacifique. .

La concertation et la coopération entre les États améliorent indéniablement l’efficacité politique, surtout lorsque les problèmes posés dépassent les frontières des États. La complexité croissante des relations internationales contemporaines rend inévitable le renforcement du multilatéralisme. Dans un monde globalisé, où l’interdépendance est forte et toujours croissante, aucun État, aussi puissant soit-il, ne peut espérer résoudre seul tous les défis auxquels il est confronté. Cela vaut non seulement pour les menaces à la paix et à la sécurité internationales, mais aussi pour les problèmes liés à la santé publique (circulation de l’information en cas d’épidémie ou de crise sanitaire comme le COVID-19), les problèmes environnementaux, la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Si ces problèmes ne sont pas résolus, ils ne peuvent qu’aggraver l’instabilité mondiale.

Or, ces idées altruistes se heurtent de plus en plus à une réalité indépassable : la souveraineté des États, qui évite de les contraindre à tout ce qu’ils n’ont pas accepté auparavant, notamment sur les questions d’égalité des genres, d’accès à l’éducation pour tous, l’inclusion et le respect des droits de l’homme. La situation des femmes et des filles en Afghanistan depuis le retour au pouvoir des talibans en est un bien triste exemple. Ce que l’on craignait déjà, les écoles de filles resteront bel et bien fermées, malgré une promesse de réouverture faite par les gouvernants à la communauté internationale, dont l’une des exigences concernait cette indispensable rentrée scolaire. Depuis septembre dernier, les femmes sont à nouveau plongées dans un monde des plus archaïques et obscurantistes, subissant au quotidien de terribles violences.

Le leadership des femmes dans « un multilatéralisme ouvert » est une priorité

Nous savons que les femmes sont des agents de changement et de transformation positive, et qu’elles jouent un rôle essentiel dans les réponses à la crise, dans tous les domaines, santé, climat, alimentation. Pourtant les femmes sont celles qui souffrent le plus durablement des conséquences de la crise, elles restent les premières victimes de la discrimination, de l’exclusion et de l’inégalité des chances.

Aujourd’hui, les inégalités entre les sexes sont exacerbées partout dans le monde. Dans le domaine de l’éducation, 767 millions de femmes et de filles ont été touchées par les fermetures d’écoles. 11 millions d’entre elles risquent de ne jamais retourner à l’école, et de s’ajouter aux 132 millions de jeunes filles déjà déscolarisées auparavant.

D’un point de vue économique, la situation est identique : si l’emploi masculin a retrouvé son niveau d’avant-crise, ce n’est pas le cas de l’emploi féminin. Il y a 13 millions d’emplois occupés par des femmes en moins en 2021 qu’en 2019. Poussant 47 millions de femmes et de filles supplémentaires dans la pauvreté, et les femmes en particulier sont victimes de la récession qui s’installe, qui menace l’indépendance économique, les rendant plus vulnérables à la violence et la discrimination fondée sur le sexe.

Au niveau des relations internationales , si l’on ne veut pas remettre en cause 25 années de progrès accomplis par la communauté internationale, depuis l’adoption de la Déclaration de Pékin sur les droits de la femme, ainsi que les remarquables conclusions de la Commission sur le statut de la femme à sa 66ème session CSW66 , nous devons continuer à faire entendre nos voix et à participer à la prise de décision dans les plus hautes fonctions du pouvoir, et dans toutes les structures de nos sociétés et Agences internationales. Nous avons besoin de femmes leaders de tous âges et de tous horizons, qui ne soient pas seulement des actrices du changement, mais celles qui conçoivent, inspirent et comprennent que les inégalités entre les sexes découlent de la discrimination, de l’injustice et de toutes les formes d’exclusion, et que ce sont les premiers obstacles qui nous devons nous attaquer.

Dans sa publication intitulée L’ Unesco en action pour l’égalité des genres, l’  UNESCO a rappelé que le leadership des femmes dans le multilatéralisme est une priorité et qu’il est essentiel de développer un « multilatéralisme ouvert » , incluant tous les acteurs susceptibles d’être liés au multilatéralisme – y compris les acteurs sociaux, les ONG, les mouvements sociaux qui échappent à la souveraineté des États ou à la gouvernance des États, et autres – et de les interroger systématiquement sur les grands enjeux mondiaux. Partout où il y a eu des crises, partout où il y a eu des guerres, les femmes se sont levées et ont œuvré pour le retour de la paix. Il est important de le souligner à un moment où le multilatéralisme traverse une crise sans précédent, et de rappeler le rôle moteur que les femmes ont joué, jouent et continueront de jouer.

En conclusion , L’égalité des droits ne peut pas attendre. L’égalité passe avant tout par une meilleure représentation des femmes dans les instances multilatérales. Pour faire évoluer ce nouveau multilatéralisme, empruntons les mots du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres : « Aujourd’hui, le leadership des femmes dans le multilatéralisme est une cause. Demain, ce doit être une norme. C’est ainsi que nous transformerons la paix et la sécurité internationales ».

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